"Thinking outside the box": le budget, un totem qui mériterait d'être dépoussiéré.
- formationsconsulti
- 10 nov. 2023
- 5 min de lecture

Avec son calendrier bien rôdé, l’exercice du budget rythme l’activité des grandes entreprises et administrations.
La nécessité de cet outil est vue comme une évidence car, sur le papier, il ne présente que des avantages pour les Dirigeants. Il leur donne notamment une prévision de l’activité relativement fiable et le moyen de challenger les responsables opérationnels.
Challenger en fixant des objectifs ambitieux à réaliser (volume de vente, chiffre d’affaires, rentabilité, effectifs, coûts, date de réalisation des projets ou opérations projetés, de lancement des produits, indicateurs qualité,…)
Ces objectifs vont être traduits en KPI(1) pour être figés dans le marbre du budget.
Challenger en mettant la pression sur les responsables des entités opérationnelles pour qu’ils expliquent les écarts allant dans le mauvais sens et comment ils prévoient de rattraper le retard.
Le budget est donc incontournable ; c’est un totem indéboulonnable dans les grandes entreprises (ou autres administrations…).
Pourtant si cet outil est puissant, il présente des faiblesses non négligeables.
La première difficulté a pour origine la nécessité qu’à la Direction de fixer des objectifs ambitieux sans qu’ils deviennent totalement irréalistes.
Trop ambitieux, ils démotivent et génèrent un climat anxiogène peu propice à une remonté transparente des informations du terrain. Quand la partie est perdue d’avance, il difficile de mobiliser les troupes autrement que par la contrainte.
La prévision est d’emblée surestimée avec toutes les conséquences négatives que cela peut avoir.
Trop accessibles, ils n’incitent pas à la recherche de performance. On prend ainsi le risque de la médiocrité ou du dépassement par la concurrence.
Comme le rappelle l'acronyme SMART (2) l'objectif doit être Atteignable et Réalisable.
Le Dirigeant et le responsable opérationnel ont généralement des intérêts antinomiques sur ce sujet.
L’un cherche à obtenir la meilleure performance possible, l’autre veut s’assurer de pouvoir atteindre les objectifs fixés en toute circonstance. Il n’est pas rare qu’un système d’incitation « à l’objectif » rigidifie un peu plus l’ensemble.
Dès lors, tout naturellement, les responsables auront tendance à minimiser l’estimation de la performance qu’ils pourraient obtenir afin de s’assurer de marges de sécurité.
En général, les Directions centrales contournent cet écueil en faisant varier de quelques pourcents la réalisation passée pour rendre l’objectif à atteindre plus ambitieux.
On augmente légèrement la part de marché, on réduit le volume de dépenses et mécaniquement, le résultat s’en trouve amélioré.
Une corrélation à un évènement comme un lancement produit permet d’amplifier le mouvement.
Cette méthodologie a pour effet pernicieux d’occasionner fréquemment une surconsommation de moyens : les entités opérationnelles dépensent plus que nécessaire de crainte d’être trop contraintes l’année suivante
Enfin, la construction budgétaire peut être excessivement chronophage. Il n’est pas rare que des entités fonctionnelles fassent preuve d’un perfectionnisme (multiplication des scenarii, niveau de détails, …) qui ne soit pas productif d’une réelle valeur ajoutée.
En résumé, la construction budgétaire n’optimise pas tout à fait la performance de l'entreprise.
On peut envisager une autre façon de faire pour viser l’excellence au moyen de trois ingrédients essentiels : la transparence, la compétence et la confiance.
1) La transparence
Pour avoir une vision claire, pouvoir échanger les informations sans aucune rétention de part et d’autre. Cela veut aussi dire que la Direction doit faire preuve d’une vraie capacité d’écoute et ne pas systématiquement rejeter les arguments présentés lors de la phase de construction.
Non seulement, elle ne doit pas systémiquement minimiser les difficultés, mais aussi proposer des pistes de résolution et favoriser les échanges entre entités pour partager les idées novatrices, les bonnes pratiques, le partage de connaissance…
Elle doit impulser son ambition mais en évitant de l’imposer pour susciter l’adhésion.
2) La compétence.
On peut être diplômé des meilleures écoles, avoir exercé des fonctions à très haut niveau dans des organismes renommés, …et ne rien connaitre du domaine d’activité (suite à une mutation récente ou un changement de filière par exemple).
Dès lors, il est difficile d’échanger avec un expert dans son domaine pour valider ou non son analyse.
Comment dire à un Directeur de recherche que sa demande de budget est exagérée si l’on n’a pas une connaissance intime de la discipline. Comment mesurer une économie de moyens commerciaux sans avoir l’expérience de son impact…
Il faut que le Directeur « soit du métier » pour être capable d’estimer si les difficultés remontées du terrain ne sont pas surestimées. Son expérience doit aussi lui permettre de quantifier avec précision des objectifs ambitieux mais réalisables.
Pour partager sa vision, le manager opérationnel doit, lui aussi, être au meilleur niveau, non seulement pour mobiliser son équipe, mais aussi pour partager l’ambition de sa hiérarchie tout en étant lui-même force de proposition.
Dans l’idéal, c’est donc un dialogue entre experts qui se comprennent parfaitement et partagent la même volonté d’excellence. Ils cherchent ensemble quelle serait le meilleur résultat atteignable, au moyen de quelles ressources et avec quelle stratégie opérationnelle.
L'objectif visé est une vrai co-construction des objectifs à réaliser.
3) La confiance.
Il s’agit là rien de moins que de changer de paradigme.
Une incitation basée sur la réalisation d’un budget, le respect de son cadencement ou toute autre forme de bonus de cette nature génère mécaniquement un risque de rétention de l’information évoqué précédemment.
Rémunérer convenablement le responsable opérationnel (et son équipe) et juger de sa performance dans la durée pour l’encourager.
A l’inverse, dans ce contexte, l’échec est collectif.
Les objectifs non atteints, doivent faire l’objet d’une analyse méthodique portant sur les causes et moyens éventuels d’y remédier et rarement donner lieu à un motif de sanction.
Evidemment, le Directeur garde son pouvoir d’appréciation de la performance du manager qui peut être valorisée ou sanctionnée de façon plus globale.
Dans cette description on retrouve une analogie avec le mode opérationnel des PME qui réussissent.
Tout le monde se connait et se fait confiance. L’information circule facilement et, la performance individuelle est rarement récompensée par le versement d’un bonus mais chacun fait néanmoins de son mieux pour obtenir les meilleurs résultats.
Transposer ce mode d’organisation aux grandes entités est évidement plus complexe.
La construction budgétaire reste impérative pour les grandes structures pour de nombreuses raisons comme consolider une vision d’ensemble, générer une prévision pour les besoins des marchés financiers ou la gestion de trésorerie…
Il faut donc chercher des solutions adaptées au contexte de l’entreprise.
Quand tout s’accélère, la concurrence s’intensifie et pour y faire face, le partage de l’information, la fluidité des communications et la confiance de ne doivent pas rester cantonnés au niveau de l’équipe opérationnelle.
Pour exprimer son plein potentiel, toute l’entreprise doit intégrer ces nouveaux modes de fonctionnement favorisant la coopération, y compris dans les phases de construction et d’animation du budget.
Article écrit par Bruno Bernard Consultant/ Formateur BS
www.bsformations.com
(1) KPI (key performance indictors- indicateurs clés de performance)
(2) SMART (les caractéristiques d'un objectif pour être opérationnel: spécifique, mesurable, atteignable, réaliste et temporel)
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