"Thinking outside the box": Nemawashi, Hoshin,..ou l'autre façon de manager

10.4 milliards de dollars , c’est le montant pharaonique estimé de la perte générée par la grève qui s’est achevée le mois dernier après avoir paralysé pendant six semaines les usines des trois grands constructeurs automobiles (GM, Ford et Stellantis) aux Etats Unis (1).

Menée par le puissant syndicat United Auto Workers (UAW), ce mouvement de grève n’a pas affecté les neuf usines de Toyota dans le pays.

L’UAW, malgré ses tentatives n’a toujours pas réussi à s’y implanter et ce n’est pas par hasard.

A la fin des années 80, les meilleurs spécialistes japonais du secteur automobile de l’époque se sont trouvés confrontés à une problématique très particulière :

Portés par le succès planétaire de ses marques, pour éviter la menace de mesures protectionnistes, les japonais ne pouvaient plus se contenter d’exporter la totalité de leur production mais devaient aussi produire localement.

Se posait alors la difficulté apparemment insurmontable : par quel moyen, les ouvriers américains de ces usines, alors en construction, pourraient-ils égaler le niveau de qualité et d’efficacité qui qualifiait la production nippone.

L’éducation et la mentalité des américains n’est-elle pas aux antipodes des celles des japonais? Les uns sont individualistes, épris de liberté, les autres valorisent avant tout le collectif, l’ordre et l’obéissance…

Alors que ce défi semblait irréalisable, ces spécialistes faisaient preuve de la plus grande sérénité.

En effet, si les grands groupes industriels japonais avaient certes l’avantage de pouvoir s’appuyer sur l’engagement et l’implication de leurs employés, ils savaient aussi que ces qualités n'étaient pas innées.

Certes la société japonaise favorise ces comportements vertueux mais c’est surtout le management et l’organisation des entreprises qui en est responsable.

Il suffisait donc d’adapter, sans les dénaturer, ces méthodes managériales.

Ainsi ceux qui travaillent aux Etats Unis, en Europe et ailleurs dans le groupe Toyota se sont familiarisés avec des concepts aux noms exotiques de "Hoshin", « Ringi », « Nemawashi »,...

Autant de process qui favorisent la communication à tous les niveaux hiérarchiques de l’organisation, donnent du sens au travail de chacun et l'inscrivent dans l'objectif plus global visé par l'entreprise. Ils ont pour avantage d’impliquer fortement l’ensemble des employés.

Par ailleurs l’entreprise accorde une grande importance à la formation et à l’animation des équipes.

Le dialogue est permanent au sein de l’entreprise avec pour résultante de forger un véritable « esprit d’équipe », un sentiment de solidarité et non pas une logique d’affrontement.

On retrouve tout ou partie de ce mode d'animation dans d'autres multinationales japonaises mais c'est Toyota qui a probablement produit la version la plus aboutie de la conversion à l’international de ce corpus managérial sous le l’appellation de « Toyota way ».

Relativement peu connue en dehors du Japon, cette philosophie du management des personnes fait pourtant le pendant des méthodes de production mondialement célèbres issues du Toyotisme (Toyota production system) et de ses concepts (« Kanban », « Kaizen », cercle de qualité, 5S….)

C’est la combinaison des deux qui porte la performance de la multinationale au plus haut depuis des décennies.

Ainsi, Toyota n’a pas eu à supporter le coût de la grève qui a impacté ses concurrents aux états unis et a profité de leur difficultés pour gagner des parts de marchés(2)…mais dès l’annonce d’un accord conclu entre l’UAW et les big three (3), elle a communiqué que le salaire de ses employés sur les sites de production serait augmenté de 9.2% pour être porté à $34.80 l’heure à compter du 1er janvier.

Une façon concrète de maintenir le consensus …

Article écrit par Bruno Bernard Consultant/ Formateur BS

www.bsformations.com

(1) Estimation Anderson Economic Group le 2/11/2023

(2) En octobre, sur le marché VP, Toyota a gagné 4.8% de parts de marché sur un marché en hausse de 2%. La marque occupe la deuxième place sur le marché US (14.1%) derrière GM (16.6%) source Marklines

(3) Trois plus gros constructeurs américains (GM, Ford, Stellantis)